lundi 14 mai 2018

Parfois j'ai peur

Je connais de mieux en mieux mon corps avec ses bizarreries et ses forces ; chaque jour, j'apprends qui que suis. Je me sens de plus en plus en accord avec moi-même. Ma vie se ralentit pour être de plus intense.
J'aime la vie, une vie de partage.
Je mesure la beauté et l'immensité de chacun de ces instants de ces rencontres, semblables à milliers de cadeaux.
Il me faudrait écrire tous ces prénoms, il me faudrait photographier, tous ces regards, il me faudrait montrer toute la douceur de ces gestes.
Écrire c'est être seul, pour aller vers chacun d'entre vous.
Le cancer est en moi et parfois j'ai peur. J'ai peur de vous perdre, de plus être là pour voir briller vos vies.
Chaque fois la confiance revient, la confiance en vous tous. La mort n'existe plus quand chacun a en soi un peu de l'autre
Nous devenons multiples et riches des différences partagées. La vie gagne contre la mort quand les émotions sont portées par une multitude de personnes prêtes à recevoir, prêtes à donner.

mardi 1 mai 2018

Des centimètres en moins et invalidité

Comme chaque mois je suis allé voir mon medecin pour renouveler l'arrêt de travail. Comme chaque mois il m'a demandé de  mes nouvelles, il a pris ma tension, écouté mon coeur et mes poumons. Comme chaque fois, il m'a fait l'affront de me faire monter sur sa balance pour vérifier que je n'abusais pas des bonnes choses.
L'auscultation se terminant, j'ai vu sur le mur la toise et j'ai demandé à Marcel, mon docteur  de me mesurer. Depuis que je suis malade je ne me suis jamais mesuré.
Jusqu'à ce jour quand on me demandait ma taille, je répondais fièrement 1,92 m. Mais il y a 3   ans le myélome a attaqué quelques unes de mes vertèbres particulièrement la numéro 7 des dorsales. J'ai des tuteurs de titane pour suppléer à cette faiblesse, je me suis tassé, et depuis je n'avais jamais osé affronté la question de combien de centimètres ce cancer m'avait privé.
La réponse est tombé 1,90 m. Seulement deux centimètres. Je suis diminué bien plus, par d'autres côtés et je suis content de l'être aussi peu dans le sens de la hauteur.
Ensuite nous avons quitté la salle d'examen et j'ai demandé à mon médecin de me faire un certificat pour ma demande d'invalidité car même avec 1,90 m et 3 chiffres inscrits sur la balance je resterai incapable de travailler à nouveau.
Je suis sorti du cabinet, heureux , d'avoir réussi à tourner une page,  d'être  encore grand et  heureux de la certitude d'avoir encore de belles choses à faire dans cette nouvelle vie qui s'annonce.