jeudi 28 juillet 2016

Vacances

J’arrive à la fin du traitement, bientôt je ne serai plus en arrêt maladie mais en vacances. Changement de statut qui a du sens. Je devrais reprendre le travail un an pratiquement jour pour jour après le début de cette drôle d’aventure.
Aujourd’hui je me vis de moins en moins comme malade. Je sais que je ne suis pas guéri que cette maladie le myélome est toujours potentiellement en moi et puis elle m’a laissé quelques douleurs pour rappeler son existence.
Cependant quel plaisir de passer une soirée entre amis sans se dire je suis fatigué, faire comme tout le monde, profiter de l’instant sans contrainte.
Quel plaisir de savoir que dans 15 jours je serai dans l’Aveyron avec ma fille les amis, à naviguer sur le Tarn.
Je reprends mes anciennes activités, d’une manière plus lente, mais heureux de le faire.
J’irai au CHU tous les trois mois puis tous les six mois pour vérifier que la maladie me laisse tranquille et j’espère qu’elle le fera très longtemps car je ne suis pas pressé de reprendre le combat.

En attendant je vais tenter de pas oublier l’essentiel de ce que m’a appris cette épreuve : Vivre l’instant présent le plus intensément possible d’abord auprès des gens que j’aime et rester ouvert à la rencontre au partage avec les gens qu’ils le veulent bien.

Libération


Cancale, plage du verger, je me suis approché du bord, j’ai marché dans l’eau, les vagues m’ont mouillé les jambes.  Moment simple, moment intense. Les pieds dans la mer je pleurais envahi par ses sensations retrouvées.
Mon fils vivant ses passions intensément, la voile,  la moto, et trouvant son métier, mon métier fait naître en moi des émotions qui font venir les larmes.
J’imagine ma fille, menant son troupeau de brebis accompagnée par ses deux chiens, travaillant la terre, au volant de gros engins agricoles, et là encore je pleure.
Les mots écrits et les mots dits des amis, une soirée barbecue pour un double anniversaire la aussi je pleure.
Un temps partagé avec ma tante, dehors en silence à respirer à vivre l'instant présent, fait déborder sur le chemin du retour ce que je ressens.
Je pleure le plus souvent seul, à la maison dans la voiture en marchant. Ce sont des larmes bienfaitrices et libératrices des émotions moments parfois compliqués à vivre mais essentiels à mon équilibre.


vendredi 15 juillet 2016

Je ne suis pas guéri.

Mes cheveux, ma barbe ont repoussé. J'ai bonne mine et toujours, bon appétit. Je marche, je nage, j’ai gardé mon humour.  Et pourtant je ne suis pas gueri.
J'arrive à la fin d'une première bataille qui est en passe d’être gagnée. Le myélome a pris une belle claque. Les cellules cancéreuses ont disparu de mon corps. Je suis un bon malade qui répond bien au traitement, m’a dit mon médecin J'en suis heureux. Dans 10 jours j’attaquerai ma dernière série de quatre injections de velcade dans le ventre. Dans un mois je prendrai mes deux derniers comprimés du fameux thalidomide.  Au premier septembre je ne serai plus en arrêt maladie mais enfin en vacances. Au mois d’octobre je reprendrai doucement  le travail, à mi-temps, pour favoriser les retrouvailles.
Pourtant je ne serai pas guéri, parce que rémission n’est pas guérison. Il faudra vivre avec l’idée qu’une rechute est possible. Tous les trois mois avec sans doute un peu d’angoisse, j’irai en hématologie pour verifier  que je suis toujours gagnant face au cancer. Au quotidien Il y aura toujours les douleurs osseuses, et aussi la fatigue. Peu importe, ma vie a changé. J’ai changé. Ce  que je vis, je veux le vivre pleinement. J’aime la vie et je suis heureux de vivre ce que je vis aujourd’hui. Ma vie est un peu plus compliquée mais elle est riche de relations humaines,  de rencontres, d’émotions, d'amour. Le voyage est beau du partage du chemin avec vous tous, et je ferai tout pour cette route soit la plus longue possible.

mercredi 6 juillet 2016

Sans les mots

Je n’étais pas quelqu’un qui écoutait le langage du corps, je n’étais pas réceptif aux signaux d’alerte que m’envoyait ma grande carcasse.
Le myélome  est dit multiple dans le sens il s’attaque à travers les lésions osseuses à plusieurs endroits. Les douleurs sont multiples  et réparties dans le corps, pour moi, douleurs osseuses dans le dos et la cage thoracique. Elles sont aujourd’hui d’une intensité très raisonnable mais rarement absentes. Je vis avec et j’y suis attentif . Donner un sens à ces messages corporels permet qu’ils  deviennent autre chose qu’une expression négative, ils sont alors un levier pour agir, pour aller mieux.
Jacqueline, ma tante et marraine suite à un AVC a perdu une part importante de l’usage de la parole. Elle a tant de choses à dire de pensées qui se forment pour qui les mots ne viennent pas. Les sentiments joyeux sont libérés par les sourire, le rire. Mais il y  a des émotions, de la souffrance, des interrogations qu’elle ne peut verbaliser.
 Alors elle utilise son corps. Il y a d’abord  son visage qui a gardé toutes les expressions d’avant l’accident, mais qui se trouvent aujourd’hui accentuées. Il y a les yeux le regard, vrai, qui  touche profondément. Il y a cette main valide, qui esquisse des dessins dans l’air mais surtout qui touche, qui caresse, toujours en mouvement vers l’autre. Une main qui parle.
Face à cette communication mes mots sont inutiles, j’écoute, je ressens ce qu’elle exprime, et à moi aussi d’utiliser mon corps pour installer un dialogue silencieux et tellement riche.

Jacqueline, avec son hémiplégie m’aide à apprendre et à comprendre le langage du corps. Une fois de plus elle est là pour moi.

mardi 5 juillet 2016

Piscine

Pour la première fois depuis que je suis malade je suis allé à la piscine.
J’y suis allé seul.
Côté pratique, je n’ai pas mis de bonnet et je n’ai pas amené de shampoing.
Je me suis assis sur le bord de la piscine, j’ai mis les pieds dans le bassin. L’eau était chaude. J’ai pris mon temps. J’ai installé mes lunettes et je me suis décidé à descendre par l’échelle doucement marche après marche pour ressentir pleinement l’eau sur mon corps. D’abord debout, pour ensuite doucement m’accroupir. Enfin mon corps dans l’eau, porté par l’eau, l’eau tout autour au-dessus ou dessous. Retrouver des sensations de plaisirs qui font oublier pour quelques instants un vécu de douleurs corporelles.
Je me suis mis à nager, les douleurs ont fait une tentative d’apparition, m’obligeant à ne pas me battre, doucement, glisser pour laisser l’eau continuer son action bienfaitrice
En reprenant une activité d’avant qui m’était essentielle. J’ai eu  le sentiment de prendre un nouveau départ, agir sans avoir à se battre, simplement le bonheur de retrouver des émotions, des sensations qui m’accompagnent depuis toujours.  Dans l’eau la maladie a disparue.





samedi 2 juillet 2016

Capteurs d'émotions


Nous étions au mariage, d’un petit cousin.
Ce fut deux jours  remplis d’instants d’émotions souvent intenses. D'abord j'ai retrouvé ma fille que je n'avais pas vu depuis 6 mois, depuis les pompiers, la morphine, l’hôpital, la souffrance. Durant tout ce temps je gardais en moi l’image de sa détresse face à ma douleur. La prendre dans mes bras et dans des larmes de bonheur reprendre le beau fil de notre relation.
Après six mois difficiles notre petite famille, était de nouveau réunie. Tous les quatre, parents et enfants ensemble, si unis dans un bain d'amour. Nous avons photographié cet instant bonheur.
Cette fête fut aussi les retrouvailles avec ma vieille cousine préférée. Plus de 30 ans de différence et pourtant si proche, un lien si fort, qui ne se définit pas il s’impose simplement et encore plus dans ces moments difficiles de nos vies. Et là encore des larmes jaillissant de toutes ces émotions
Il y avait le bonheur des jeunes mariés, cette messe simple, un prêtre accueillant, tolérant, s'appliquant à rendre la cérémonie joyeuse chaleureuse et festive. Toutes ces personnes que nous ne connaissions pas, certaines ouvertes prêtes pour la rencontre le partage.
Il y avait ces enfants qui jouaient qui riaient, qui me procuraient du plaisir simplement dans le fait de les observer. Tom, un petit garçon de 13 mois, qui n’a pas encore les mots, mais déjà si communiquant ouvert au monde à la découverte, à la rencontre.
Ce papa cuisinier qui a passé presque tout son temps dans la cuisine, pour offrir à son fils un festin le jour de son mariage.

 Le mariage est une fête, un moment de joie un moment de rencontre pour deux familles, pour des personnes qui ne se connaissaient pas. De cette alchimie éphémère une multitude de sentiments, d’émotions, d’expressions personnelles, se libèrent pour être reçus par celui ou celle qui est prêt à recevoir ce don.
La maladie a libéré mes capteurs d’émotions. Aujourd’hui je veux être le plus possible à l’écoute de  l’instant vécu en essayant d’oublier tous les préjugés jusque-là amassés. Laisser l’instant présent venir à moi, le vivre pleinement. Alors bien sur les larmes s’écoulent. Le corps exprime ce que les mots ne peuvent dire sur l’instant.

Durant ces deux jours j’ai parlé, ri, écouté, observé. J’ai laissé souvent mon être s’exprimer par les larmes avec  le soutien et la force de ma famille de son amour

vendredi 1 juillet 2016

Du poil de la bête.

Les cheveux, la barbe repoussent, je reprends du poil de la bête.
Quelques brèves  sur le sujet:
Je vais régulièrement rendre visite aux collègues et aux jeunes de l'établissement où je travaille.
Au moment où je n'avais pas de cheveux une jeune fille me demande. Tu t'es rasé les cheveux ? Je lui réponds non ils sont tombés. Elle me dit calmement. Ah bon tu as un cancer. Hier alors que visiblement mes cheveux et ma barbe repoussent. elle me dit: t'es beau tu t'es rasé.
Hier un jeune garçon vient me saluer. En repartant il croise une éducatrice à qui il dit j'ai vu laurent. Il s'est coupé les cheveux ça lui va bien.
A la maison , un petit de la commune qu j'ai vu devenir grand m' a  dit la barbe pousse Laurent c'est la puberté.
J'aime ces mots simples et directs loins des craintes et des conventions sociales juste porteurs d'une attention positive teintée d'un humour plus ou moins volontaire