lundi 20 juin 2016

Questions-Réponses

Je suis en rémission complète

Alors tu es guéri ?
Non être en rémission complète cela veut dire qu’aujourd’hui qu’on ne trouve plus dans mon corps de cellules cancéreuses. Il n’y a plus de traces du cancer dans mon sang, dans ma moelle osseuse. C’est quand même une superbe bonne nouvelle, une première belle victoire. D’ailleurs nous l’avons fêté dignement.

Quand est-ce que tu pourras dire que tu es guéri ?
Les médecins le diront seulement le jour où ils auront l’assurance qu’il n’y a plus de risques de rechute. Pour améliorer mes chances je vais d’ailleurs dans faire deux chimiothérapies de consolidation pour consolider ce beau résultat. Ensuite après un temps de repos et de vraies vacances je vais pouvoir penser à reprendre le travail.

Comment te sens-tu ?
Je vais bien, très bien même. Quelques douleurs osseuses viennent de temps en temps se rappeler à moi, mais ce n’est pas grave. La fatigue est moins forte, et je retrouve la capacité à faire les choses même si c’est encore au ralenti. L’essentiel est de vivre pleinement le présent, en pleine conscience, d’être ouvert au partage et aux rencontres. Mes cheveux, ma barbe se décident à repousser doucement et en désordre. Je ris, je blague, je pleure aussi car je vis et je ressens les émotions de manière intense. 

J’aime la vie, très fort.




lundi 13 juin 2016

Entre bonnes mains

Je suis malade depuis quelques mois; est-ce que mon corps m’appartient encore ? J'ai fait confiance alors j'ai laissé une multitude de mains s'en occuper
  • On m’a piqué dans les veines un nombre incalculable de fois, même si les veines ont fait ce qu’elles pouvaient pour se cacher.
  • On m’a ouvert le dos pour mettre tiges et vis
  • On a transpercé mon sternum pour aspirer ma moelle osseuse
  • On m’a photographié sous toutes les coutures avec une multitude d’appareils différents.
  • On a contrôlé mes constantes matin midi soir et nuit ; température, tension, saturation, rythme cardiaque.
  • J’ai avalé un camion de pilules en tout genre.
  • On m’a injecté par les veines par le ventre des produits plutôt forts.
  • On a contrôlé mes réflexes, On m’a chatouillé, pincé pour voir si les circuits nerveux fonctionnaient.
  • On m’a donné à manger des choses qui n’auraient pas dû s’appeler nourriture
  • J’ai perdu mes cheveux ma barbe.
  • On m’a mis parfois dans des situations pour le moins inconfortables.
  • On a mis toute ma tuyauterie dans un triste état

Pourtant je me suis toujours laissé faire, je suis même resté poli.
Tout cela parce que j’ai confiance, parce que les personnes que j’avais en face de moi se sont montrées presque toujours attentives à l’écoute et elles aussi polies. A chaque fois elles ont répondu à mes nombreuses questions sans me prendre pour un malade.


Alors chers soignants, je crois que j’ai eu raison de vous faire confiance et de vous laisser faire. D’abord parce que je vais mieux et ensuite parce vous m’avez prouvé qu’on pouvait être dépendant des blouses blanches et du monde médical tout en restant soi-même.  Mon corps et ma tête m’appartiennent encore et plus que jamais.

jeudi 9 juin 2016

Le couloir rouge



La première consultation en hématologie, j’y suis allé seul, hospitalisé, j’ai  eu le droit à l’accompagnement d’un brancardier pour me montrer le chemin. J’y allais pour un examen afin de poser le diagnostic. L’hématologie est au quatrième étage du nouveau bâtiment. Pour arriver dans les locaux, il m'a fallu parcourir un long couloir rouge sang. Cela met en condition ! Pour la première fois je rencontrais le médecin qui allait à partir de ce jour devenir mon médecin hématologue
Elle (car c'est une dame) a procédé à l’examen, le myélogramme, consistant à prélever de la moelle osseuse au niveau du sternum. Cet acte médical fut fait rapidement ce qui n’est pas plus mal vu le coté très désagréable de la chose.
Ensuite mon médecin, d’une manière directe, avant même d’avoir le résultat du myélogramme, m’a annoncé le diagnostic du myélome et sa gravité, tout en me disant que dans quelques mois je reprendrai mes activités. Le discours était dur à entendre, mais il était aussi chargé de solutions et d’espoir.
Depuis cette personne je la rencontre régulièrement à chaque nouvelle étape du traitement et on rigole bien. D’abord pour la déconcerter je viens accompagné mais jamais par la même dame. C’est le privilège d’avoir un entourage riche en amour et en soutien. Ensuite j’ai toujours avec moi mon dossier fort documenté sur moi et ma maladie. Elle sait que je suis bien informé.
Nous discutons d’égal à égal, elle avec ses connaissances et sa pratique de médecin et moi avec mon vécu de malade. Nous faisons le point sur les évènements depuis notre dernière rencontre. Elle m’explique la suite des évènements. Vient la phrase rituelle : Avez-vous des questions ? Bien sûr j’ai des questions, elles sont notées sur mon indispensable téléphone. Je pose mes questions, elle apporte ses réponses.
Dans la conversation elle est capable de me dire que les éducateurs sont des personnes bizarres mais que le monde des médecins est aussi particulier.
En fin d'entretien après l’auscultation elle prend son dictaphone pour élaborer le bilan de la consultation. S'il y a besoin j'apporte des précisions.
Avant de nous quitter nous fixons le prochain rendez-vous.
Une dernière précision, ce médecin, entre chaque rencontre reste disponible. Je lui envoie un mail, et j'ai une réponse dans les heures qui suivent.  Au début des soins, sur la période de Noël, un moment où je souffrais, elle a su se montrer disponible pour me soutenir et pourtant c'était le week-end.
Ces consultations au-delà du technique et du médical c’est avant tout une rencontre, un partage entre  deux humains.

lundi 6 juin 2016

Statistiques

Il y a quelques temps une journaliste de télévision s’adressant à un monsieur nouvellement greffé, lui dit sans grand ménagement : « Vous savez que l’espérance de vie suite à votre opération est d’un peu plus de 6 ans »
Ce monsieur avec sourire et dignité lui a répondu, qu’il connaissait parfaitement ce nombre, mais qu’il s’agissait d’une moyenne et que lui préférait la notion d’écart-type à celle de moyenne. Je ne suis pas sûr que la journaliste bien portante ait compris la nuance, très vite elle a changé de sujet. Pour ceux qui n’ont pas fait de statistiques et de probabilités ou qui ont oublié, en probabilités l'écart type est une mesure de la dispersion d'une variable aléatoire réelle ; en statistique il est une mesure de dispersion de données.  Plus simplement, dans une classe la moyenne en math est de 10, tous les élèves n’ont pas forcément 10, certains ont 2 ou 3 d’autres ont 18 ou 20. Chacun se souvient sans doute où il se situait.
Ce que voulait dire ce patient diplomate c’est que la moyenne ne reflète pas la diversité des situations. Et bien quand tu es malade tu essaies d’oublier les chiffres en deçà de la moyenne et tu ne retiens que la possibilité de rejoindre ceux qui vont bien au-delà de cette donnée statistique qui n’a pas grand lien avec la vie réelle. Il y a peu de temps dans une réunion j’ai rencontré une dame pour qui il était important de témoigner que cela faisait plus de 10 ans qu’elle était malade et qu’elle était toujours là et  combattante.
Ne jamais oublier l’humain derrière les nombres, la science,  et les discours de ceux qui savent. On a tant à apprendre en prenant le temps d’écouter, d’aller à la rencontre de l’autre.











Recharger les batteries



Mesurer 192 cm, peser plus de 100 kilos et être fatigué à ne rien faire, ce n’est pas normal ! C’est même suspect !
La fatigue est je crois une caractéristique du malade du Myélome. Cette Fatigue est vraiment particulière. Quelqu’un qui passe la journée à faire son jardin ou à courir un semi-marathon, le soir il est normal qu’il soit sur les genoux.  Il va alors se reposer et tranquillement récupérer de ses efforts.
Quand c’est la maladie qui agit, il en est tout autrement. Sans avoir forcé tu te trouves fatigué, il t’est difficile de bouger de ton fauteuil, figé par ce manque total d’énergie. Le problème, est que le repos n'est pas la solution.  Rester sans bouger nourrit cette sensation d'épuisement. En fait la solution est l'action. Il ne s'agit de faire une course de fond ou de faire un travail de force.
Simplement arriver à se lever marcher. Les premiers pas sont durs bien sur.  Mais ensuite chaque pas, chaque effort apportent en fait un supplément d'énergie qui te permet d'aller un peu plus loin.
Tu mets deux fois plus de temps à faire les choses. Tu es  comme dans un film au ralenti, et en plus avec des pauses. L'important est d'agir ! Quand tu t'arrêtes tu peux enfin te reposer et non plus te perdre dans l'absence de d'énergie.
Bouger pour recharger ses batteries, même si la pleine charge n’est pas atteinte, en mode éco tu peux reprendre des activités de bien-portant.